L’hommage rendu par élèves et enseignants du collège Vauban
Vendredi 5 novembre, l’ensemble des élèves , enseignants et personnels du collège se sont réunis pour un moment de recueillement en hommage à Samuel Paty, professeur assassiné le 16 octobre dernier. En préambule, la lecture émouvante de Madame Bourdeverre-Veyssière, d’une lettre écrite par un collectif de professeurs d’Histoire-Géographie.
Puis tour à tour, des élèves volontaires ont lu le poème du chanteur Gauvain Sers qui avait déjà ému lors de l’hommage national rendu cour de la Sorbonne. Ils ont aussi redéfini pour tous, les valeurs qui nous sont chères : celles de la République, de la liberté d’expression et de la laïcité.
Un livre d’or est mis à disposition au CDI pour que les élèves et les personnels témoignent leur soutien aux proches de Samuel Paty. Il sera envoyé à son collège de Conflans Sainte-Honorine.
Textes lus lors de l’hommage
Tribune de l’atelier Collège de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie. Hommage à Samuel Paty, rentrée du 2 novembre 2020…
Les dimanches venant clore une période de congés sont toujours un peu particuliers pour nous, enseignants. Les années d’expérience accumulées ne changent souvent pas grand-chose à l’affaire : stress, fébrilité, doutes et questionnements sont fréquemment les compagnons de cette dernière journée et dernière soirée. Les activités pédagogiques prévues tiendront-elles les promesses dont nous les avons investies ? Comment réagiront, ou agiront, tels élèves, telles classes ? Et cette réunion entre collègues ? Et ce rendez-vous avec un parent d’élève ?
Ce dimanche 1er novembre 2020 pourtant, au moment de rassembler dossiers et manuels, ces interrogations ne sont pas primordiales. Ce qui l’est, c’est qu’alors que nous cheminons toutes et tous vers nos établissements, l’un des nôtres n’est pas parmi nous.
Samuel Paty n’est pas souffrant. Il n’est pas attendu à une formation. Il n’est pas en congé.
Samuel Paty a été assassiné par un terroriste islamiste lui reprochant d’avoir fait un cours d’Enseignement Moral et Civique sur la liberté d’expression à une classe de quatrième.
Il a été décapité pour avoir mis du cœur et de la rigueur dans la préparation d’un cours visant à émanciper ses élèves, à leur apprendre qu’ils pouvaient – et devaient – penser par eux-mêmes et que le cadre républicain leur assurait de pouvoir exprimer sans crainte le produit de leurs réflexions apprenti-citoyennes.
Dans ce cours mûrement réfléchi et articulé, il avait fait le choix pédagogique d’utiliser deux caricatures de Charlie Hebdo représentant le prophète Mahomet.
Si les enseignants font le choix judicieux et, malheureusement, de plus en plus courageux, d’utiliser en classe des caricatures, ce n’est jamais pour blesser leurs élèves ou les parents de ceux-ci. Oui, la caricature religieuse désacralise mais pour permettre aux jeunes élèves de réfléchir à certaines problématiques politiques, sociales ou sociétales. En cela, elle participe pleinement d’un enseignement laïque qui ne vise pas à fabriquer des croyants ou des non-croyants mais à faire mûrir des individus réfléchis qui choisiront ensuite de croire ou de ne pas croire. Ils ne subiront pas leur appartenance religieuse éventuelle, mais la choisiront en toute liberté de conscience.
C’est cette ouverture aux possibles, aux choix que Samuel Paty apportait à ses élèves avec ses cours précis et structurés et c’est cela qui a provoqué l’ire des obscurantistes. Aujourd’hui, à l’heure d’internet et de la rumeur permanente des réseaux sociaux, la transmission de ce savoir est devenue un combat, celui de la culture et des Lumières contre l’ignorance, la haine et le fanatisme.
Notre collègue n’a pas failli dans sa mission. Les messages de haine se déchaînaient sur les réseaux sociaux, mais il n’a pas failli. Une vidéo le rendait coupable de crime, mais il n’a pas failli. Une convocation au poste de police l’a conduit à s’expliquer, mais il n’a pas failli. Chaque matin, il s’est levé pour poursuivre sa mission, éclairer ces jeunes esprits qui lui étaient confiés, enseigner. Notre collègue savait mener un combat contre le fanatisme, la haine, l’intolérance, et il a cru que les armes du savoir seraient les plus fortes.
Pour répondre à ces défis et honorer, dans la peine, la mémoire de notre collègue, sans rien céder et sans plus rien taire, il nous faut faire société, au sein de nos établissements et partout ailleurs. A rebours de tout sentiment communautaire qui nous enfermerait, nous voulons, encore et toujours, la pensée et l’action, comme vecteurs d’opposition à tout ce qui veut nous diviser et, finalement, nous détruire. Contre tous ceux qui rêvent de nous voir abandonner le terrain et les esprits. Campés sur nos valeurs, réclamant justice mais surtout pas vengeance, déterminés, nous choisissons la persévérance. Pour ce qui nous incombe, nous continuerons donc à concevoir nos leçons, à nous interroger sur les supports pédagogiques les plus pertinents pour nos élèves, à prévoir les situations d’apprentissages qui leur soient adaptées, à les initier à l’analyse, à l’argumentation, à l’expression.
Pour chacune et chacun d’entre nous, il s’agira d’abord de reprendre nos livres, nos dossiers, nos manuels, nos cartables. Et avec les nôtres, ceux de Samuel Paty.
Les enseignant.e.s de l’Atelier Collège de l’APHG, toujours en deuil
″À Samuel Paty” par Gauvain Sers
Paraît qu’on s’habitue
Aux larmes de la nation
Ce matin, j’me suis tu
Sous l’coup de l’émotion
Paraît qu’on s’habitue
Quand l’infâme est légion
Tous ces hommes abattus
Pour les traits d’un crayon
Paraît qu’on s’habitue
À défendre à tout prix
Les 3 mots qu’on a lus
Aux frontons des mairies
Paraît qu’on s’habitue
Quand on manque de savoir
Par chance, on a tous eu
Un professeur d’Histoire
Paraît qu’on s’habitue
À la pire barbarie
Mais jamais j’n’y ai cru
Et pas plus aujourd’hui
Paraît qu’on s’habitue
Aux horreurs qu’on vit là
Mais l’innocent qu’on tue
Je ne m’habitue pas”
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