Cette année encore, nos élèves de la classe de Défense étaient présents à la cérémonie du 11 novembre à Blaye. Un groupe de 11 élèves, après des recherches sur les noms inscrits sur le monument aux morts, ont imaginé une correspondance entre ces disparus et un de leur proche. Voici le texte de présentation déclamé par Manon.
En ce lundi 11 novembre 2024, nous sommes réunis autour du monument aux morts de Blaye pour commémorer tous les morts pour la France mais aussi pour rendre hommage aux soldats qui ont donné leur vie lors de la Première Guerre mondiale entre début aout 1914 et le 11 novembre 1918.
Quatre années de guerre pour un bilan humain dramatique. En effet, sur 70 millions de soldats mobilisés aux quatre coins du monde, près de 10 millions ont péri, sans compter les plus de 21 millions de blessés. Il ne faut pas oublier aussi que les civils ont été également profondément affectés par ce conflit, dans leurs âmes, dans leurs cœurs et dans leurs chairs.
Cette année, à Blaye, nous avons souhaité mettre en avant 3 concitoyens parmi les 120 noms inscrits sur notre monument aux morts : Edmond Coq, Louis Blanchon et Jules Mager. Pour chacun d’entre eux, nous avons, à partir de diverses recherches suivies d’un travail d’écriture, imaginé une correspondance entre eux et un membre de leur famille, resté à l’arrière. En effet, entre 1914 et 1918, près de 10 milliards de lettres ont été échangées entre les 8 millions de mobilisés français et leurs familles. Ces lettres nous ont alors paru importantes pour se souvenir à hauteur d’être humain.
Chacun des onze élèves engagés, a alors lu les lettres fictives suivantes :
JULES MAGER né le 9 décembre 1896 à Blaye, entre dans l’armée en avril 1915, il intègre le régiment colonial du Maroc le 22 juin 1916. Il meurt au combat le 17 août 1916 lors d’une contre attaque française pour reprendre Fleury (bataille de Verdun)
Lettre que Jules aurait pu adresser à sa fiancée
3 avril 1916
Ma chère Louise,
Sache que tu es dans chacune de mes pensées. Ton amour est ma plus grande source de courage. Je garde toujours avec moi ton dernier mot doux, et il m’arrive de le relire dans les moments de solitude. Je rêve de retrouver tes bras, de sentir à nouveau la chaleur de ton sourire. Je prie chaque jour pour que cette guerre finisse rapidement, afin que je puisse revenir auprès de toi. Ici, la vie est rude. Le bruit des obus, la boue dans les tranchées, et surtout la peur qui ne nous quitte jamais. Pourtant, je me dis que tout cela ne durera pas. Bientôt, je reviendrai, et nous pourrons retrouver la paix. Je veux que tu saches que, quoi qu’il arrive, je reste fort et je fais tout mon possible pour revenir sain et sauf.
Je t’aime de tout mon cœur
JULES
Réponse que Louise aurait pu envoyer à Jules
15 avril 1916
Mon cher Jules,
Je viens de recevoir ta lettre et je me suis empressée de t’écrire à mon tour.
Nous pensons à toi chaque jour, et nous prions pour que cette guerre se termine bientôt et que tu nous reviennes sain et sauf. Ici, à la maison, les choses sont difficiles, mais nous faisons de notre mieux pour tenir bon. Ton absence se fait sentir dans chaque coin de la maison, mais nous gardons espoir grâce à tes nouvelles.
Ta mère s’inquiète beaucoup pour toi, comme tu peux l’imaginer, mais elle est aussi très fière du courage dont tu fais preuve. Elle passe son temps à prier pour ta sécurité. Elle s’efforce de cacher son anxiété, mais je vois bien que ton absence la pèse. Nous sommes tous impatients de te revoir.
Les nouvelles que nous recevons de la guerre sont terribles, et nous ne pouvons qu’espérer que cette folie prendra bientôt fin. Si seulement nous pouvions faire plus pour t’aider, mais sache que notre amour et nos pensées t’accompagnent à chaque instant.
Prends soin de toi et surtout, n’oublie pas que nous t’aimons tous très fort. Garde courage, mon amour. Nous croyons fermement que la paix viendra bientôt et que nous pourrons à nouveau être réunis.
Je t’embrasse bien fort et te porte dans mon cœur à chaque instant.
On t’aime très fort
Avec notre amour.
LOUISE
Louis Blanchon naît le 13 août 1892 à Plassac. En 1913, à l’âge de 21 ans, alors qu’il fait son service militaire, la guerre éclate. Il est mobilisé dans le 24e régiment d’artillerie en tant que 1er canonnier et décède le 22 mai 1916 de graves blessures à Verdun. Il reçoit une médaille à titre posthume pour acte de bravoure au combat.
Voici une lettre qu’il aurait pu envoyer à sa mère, Marie-Louise, au début la bataille de Verdun
12 mars 1916
Ma Chère Mère,
J’espère que vous allez bien, moi je ne suis pas au mieux de ma forme. J’ai été affecté au 24e régiment d’artillerie en tant que 1er canonnier. On a le cœur de plus en plus lourd lorsqu’on doit aller à l’assaut et on commence être à bout de force.
Les tranchées sont sales et les soldats tombent malades les uns après les autres à cause des rats et des épidémies. On manque souvent de nourriture et notre hygiène est déplorable. Malgré tout cela je tiens bon grâce à vous et au soutien que vous m’apportez.
Votre fils qui vous aime tendrement.
Réponse que Louise, sa mère, aurait pu envoyer
le 22 avril 1916
Mon cher fils,
J’espère que cette lettre trouvera son chemin jusqu’à toi ,malgré la distance et les épreuves. Chaque jour qui passe je pense à toi et prie pour que tu sois en sécurité . Tu es dans mes pensées du matin au soir. J’espère que cela t’apporte du courage.
Le printemps est arrivé ici à Plassac mais cette année, il est particulièrement froid et humide . Le vent qui souffle sur les collines voisines est glacial. Mais quand il souffle vers l’Est, j’imagine qu’il te porte un peu de mon amour et de mon courage. Je pense à toi tous les jours en espérant que là où tu te trouves, tu as de quoi te réchauffer et te restaurer correctement.
Nous avons eu des nouvelles d’un jeune du village, un de tes camarades. Il est mort au front .Tout le village est en deuil. A la messe, j’ai prié pour ta sécurité et demandé à Dieu de te protéger.
Prends soin de toi , mon fils , et que Dieu te garde .
Avec tout mon amour, ta mère
Edmond Antoine Elie Coq, né le 5 janvier 1878, réserviste, est mobilisé dans le 139e régiment d’infanterie le 3 août 1914. Il est blessé le 27 mars 1917 et meurt des suites de ses blessures le 29 mai 1917 à Blaye à l’âge de 39 ans.
Lettre du front qu’Edmond aurait pu écrire à sa mère Anne
Le 18 mars 1916
Chère Mère,
Je te mentirai si je te dis que tout va bien. Sur le front la vie est abominable. Lors des derniers assauts beaucoup de mes camarades sont morts et d’autres ont été emprisonnés par l’ennemi.
Dans les tranchées, couverts de boue, nous tenons coûte que coûte. la nourriture est infecte l’odeur est insupportable. C’est affreux.
J’ai enfin eu le temps de t’écrire. Je pense a toi chaque jour dans cet enfer sans fin. J’espère bientôt rentrer. La peur est autour de nous jour et nuit, j’ai besoin de tes nouvelles pour me rassurer.
Ton cher fils qui t’aime tendrement.
Réponse que sa mère aurait pu lui envoyer…
Le 2 avril 1916
Mon cher fils,
Je me suis permise de lire la lettre à toute la famille. Tout le monde te soutient et pense fort à toi. Sache que ta sœur Marie a accouché de ton petit neveu. Elle lui a donné le nom d’Antoine pour qu’il ait le même courage que toi. Et elle profite de cette lettre, pour te demander si tu acceptes d’être le parrain de ce petit ange.
Le cerisier que nous avons planté ensemble quelques années plus tôt, a enfin fleuri. Grâce à ses fruits, je pourrai à ton retour te préparer plein de petits desserts, comme cette tarte que tu aimes tant.
J’espère que ces bonnes nouvelles te redonneront espoir. Dans l’attente de tes nouvelles je t’embrasse.
Avec toute ma tendresse, ta maman qui t’aime fort.